A.Frison - 05/2015

Sous la dénomination "ateliers de manipulation et d'expérimentation", se cache un temps d’activité pédagogique qui va permettre aux élèves d’avoir un temps d’autonomie pendant lequel ils vont travailler des compétences comme la logique, la résolution de problèmes, la motricité fine. Ce dispositif développe l’autonomie et la concentration, le sens social et citoyen, le sens de l’organisation.
Ce sont des activités pensées par l'enseignant, pour lesquelles les élèves vont acquérir de la confiance par leur réussite et pouvoir se recentrer et se concentrer sur des tâches simples, par des manipulations variées.

Le côté original, ludique et pratique de la mise en place de ces ateliers est un atout supplémentaire dans l’ensemble de l’organisation des classes, notamment celles multi-niveaux.
Il se nomme "ateliers de manipulation et d'expérimentation" car il correspond à une utilisation matérielle très pratique de plateaux individuels. Ce fonctionnement est largement inspiré de la pédagogie Montessori, éclairée par les avancées actuelles de la recherche en éducation.
Nous vous proposons, dans ces documents, de vous montrer leur mise en place dans les trois cycles, avec des activités classées en trois types : vie pratique (les mains) / vie sensorielle (les sens) / vie intellectuelle (la tête), bien que certaines activités, selon les objectifs mis en œuvre, interfèrent dans plusieurs catégories.

Cet article complète le travail déjà exposé par l’équipe de l’école de  Montagny, "les tiroirs".

Mettre en place des ateliers de manipulation en classe

Des ateliers de manipulation peuvent être mis en place en classe, pour des activités de délestage ou du travail en autonomie, principalement dans les classes à multiniveau afin de pallier aux différences de rythmes de travail des groupes ; mais également dans des classes à simple niveau, lors de temps dédié dans l'emploi du temps, afin de retrouver du calme dans la classe.

Il convient de discerner travail en autonomie et activités de délestage, deux temps de classe qui ont des objectifs différents.

- Travail en autonomie
Le travail en autonomie permet de gérer les différences de rythme de travail et fait partie intégrante de la séance prévue par l'enseignant (ex : carrés magiques, copier et illustrer une poésie, copier un texte sur informatique...).
C'est un travail scolaire guidé par l'enseignant, avec des objectifs scolaires. Ce peut être un travail individuel ou de groupe.

- Activités de délestage
Lors d'activités de délestage, il n'y a pas de contrainte, c'est un travail individuel choisi par l'élève. Ce n'est néanmoins pas de l'occupationnel car les ateliers proposés répondent à des besoins et des compétences, transversales le plus souvent (ex : mettre en oeuvre une stratégie pour résoudre un casse-tête, travailler les habiletés motrices...). Ce sont des activités qui favorisent la manipulation, permettent la répétition, les erreurs sont plus facilement dépassées. On fait appel aux sens (« Tout s'apprend de manière efficace grâce aux sens », Montessori).
On favorise des activités de recherche, ce qui permet d'éviter que l'intérêt de l'enfant ne s'étiole et ne se fatigue ; d'où une motivation intrinsèque pour faire les activités (l'élève trouve du plaisir et de l'intérêt à la tâche).
On travaille également l'attention, la concentration et la recentration (notamment dans les activités de tri de graines ou de couture).
Il est important, par ailleurs, de prévoir un temps dans la semaine où tous les élèves ont accès aux ateliers, afin de ne pas privilégier les élèves les plus rapides.
→ Aux cycles 1 et 2, les ateliers peuvent être un travail en autonomie et du délestage. Au cycle 3, certains ateliers comme le rallye-maths et les écrits courts également.
 

Organisation
Nul besoin d'un investissement important. Il suffit d'étagères, de plateaux pour les ateliers (couvercles de boites de chaussures, par ex) et de sets de table pour matérialiser l'espace personnel de l'élève et diminuer le bruit.
La plupart des ateliers ont été créés à partir d'objets récupérés (boîtes d'oeufs, bocaux de différentes tailles avec couvercles...) et de feuilles imprimées puis plastifiées. Peu ont été achetés dans le commerce.

Ateliers de type Montessori en classe maternelle

ORGANISATION : Où , quand, comment, quoi…

Le matériel

Dans une classe Montessori, le matériel est toujours disposé sur des plateaux indépendants, exposés côte à côte sur des rayonnages bas, donc avec un énorme besoin d’étagères pour la présentation. L’ensemble de la classe est centré autour de ce dispositif, avec une grande zone libérée au sol pour que les enfants s’installent. Cette disposition n’est pas possible dans nos classes qui conservent d’autres fonctionnements en parallèle.

Nous pouvons résoudre ce problème avec des colonnes de rangement en plastique de 6 à 8 tiroirs transparents. Ceci contraint les dimensions du matériel choisi, mais apporte de sérieux avantages : gain de place, centralisation et lisibilité.

Les enfants

Les élèves Montessori s’installent souvent au sol avec des tapis délimitant leur espace de travail. Il y a aussi un cercle tracé par terre pour structurer spatialement les temps collectifs. Dans nos classes, beaucoup de meubles et de tables privilégient la position assise. On doit donc repenser les propositions d’installation pour nos élèves :

- Différents lieux : les tables, bien sûr, mais aussi coin regroupement, coin jeu, couloir proche, dortoir…

- Différentes positions : assis sur une chaise évidemment, mais aussi assis au sol, à genou, debout, … permettant souvent de mieux surplomber leur activité et d’avoir des gestes plus aisés et adaptés.

L’enseignant

Comme chez Maria Montessori, l’adulte est présent : il circule, observe, prend du recul, intervient à minima sur demande ou non de l’enfant, veillant toujours au calme et à la concentration.
Les enfants sont tellement autonomes dans ce dispositif que ce dernier est très facilement gérable par un autre adulte (remplaçant, ATSEM, collègue,…).

Ce dispositif doit être utilisé de façon régulière, à des temps clairement identifiés par les élèves, sur une durée de 30-45mn environ.
- Parfois classe entière, si l’effectif le permet
- En ½ classe lors de décloisonnement
- Au lever du temps de repos (idéal car le lever échelonné assure le calme de l’activité)
- En aide personnalisée, en PPRE selon les besoins de chacun.

Tout comme dans la pédagogie Montessori, il faut instaurer un protocole d’utilisation très rigoureux du matériel, seule assurance du bon déroulement de ce temps de travail : choisir un tiroir dans le meuble et s’installer sans déranger ses voisins, travailler en silence, ranger le matériel comme on l’a trouvé (dévissé, délacé...), nettoyer son espace de travail (éponger, balayer,…). Ne prendre un tiroir que quand il a été reposé dans le meuble, ne pas toucher au matériel de son voisin,…
Il faut prévoir plusieurs séances en début d’année pour la mise en place et l’apprentissage de ce fonctionnement, avec de fréquents rappels en cours d’année. D’ailleurs, le respect des règles est un des critères d’observation des élèves.
Mais, différemment de la pédagogie Montessori, il n'est pas obligatoire d'instaurer une hiérarchie de difficulté dans les activités : les tiroirs n’ont pas besoin de place attitrée.

Ceci a pour avantage de :
- obliger les enfants à chercher l’activité de leur choix, sans se référer à une place devenue routinière
- les inciter à entrer dans un véritable projet d’action personnel (je cherche le tiroir où…)
- leur faire découvrir d’autres tiroirs qu’ils n’auraient peut-être pas vus sinon.

Il faut proposer plus de tiroirs que d’élèves.

Le déroulement

Avant

Par principe, il est recommandé de présenter les tiroirs ou une activité nouvelle avec un minimum de paroles et des gestes précis et minimalistes à l’ensemble de la classe.
Il n'est pas toujours utile de décortiquer et modéliser l’activité si celle-ci est clairement induite par le matériel. Cela laisse de véritables espaces de recherche.
Au début de l’année, l’oralisation des règles de fonctionnement par un élève est intéressante au début de chaque séance.

Pendant

Les élèves choisissent leur activité. Pour éviter la cohue, il convient d’échelonner le passage des enfants. La manipulation est individuelle et silencieuse. Les élèves ont droit de regard sur le travail des autres mais sans intervenir. L’enseignant circule, observe, intervient éventuellement pour aider, réguler, faire oraliser

Maria Montessori classe ses activités en trois types : vie pratique (les mains) /vie sensorielle (les sens) / vie intellectuelle (la tête), bien que certaines activités, selon les objectifs mis en oeuvre, interfèrent dans plusieurs catégories. Cependant, les activités correspondent aussi aux domaines des instructions officielles (hormis « agir et s’exprimer avec son corps »). Ces activités sont décrites dans de nombreux ouvrages, comme celui de Murielle Lefebvre « la pédagogie Montessori illustrée », et peuvent être complétées sans fin par notre matériel de classe.

Rangement du matériel

- Remettre dans le tiroir les objets prêts à l’emploi pour un camarade (dévisser les boulons, vider les récipients, délacer les fils,…) en s’aidant de la photo.
- Nettoyer l’espace avant de pouvoir choisir une autre activité (balayer la semoule, éponger l’eau).

Après

Regroupement : oralisation et mise en commun de quelques ateliers selon les découvertes ou les besoins. Ce temps de parole est très intéressant et il faut être vigilant à la qualité du vocabulaire utilisé, à la précision du verbe par rapport à l’action. C’est un temps pour réfléchir ensemble, aller plus loin, enrichir les pratiques de chacun et tisser des liens entre les activités des tiroirs et les apprentissages en cours.

Après le temps de libre recherche individuelle, c’est le moment où l’enseignant reprend la conduite de sa classe dans la perspective des objectifs qu’il s’est fixés.

EVALUATION

Elle se conduit essentiellement par l’observation de l’enseignante sur :
- l’attitude de l’élève (respect des règles, posture de recherche…)
- l’utilisation adaptée du matériel
- les productions
- le réinvestissement des notions abordées en classe et des liens que l’enfant est capable d’en faire spontanément.
- la qualité orale de la présentation éventuelle au groupe.

Face à l’évaluation, les façons de faire sont partagées : laisser trace des remarques ou non, communiquer aux parents ou non… mais, en aucun cas, l’élève n’est mis en position d’échec. Ce qu’il ne réussit pas cette fois le sera plus tard quand il sera prêt.

CONCLUSION

Ce dispositif développe :
- l’autonomie et la concentration
- le sens social et citoyen
- le sens de l’organisation

Les enfants apprécient beaucoup ce dispositif car tous s’y retrouvent : les timides sont rassurés, les actifs sont posés et les anxieux sont apaisés… grâce à la diversité des activités proposées qui prennent en compte les différentes phases et périodes sensibles du développement de l’enfant. Les enfants sont plus concentrés et restent plus longtemps actifs sur la même tâche que lors d’ateliers ordinaires.

Le dispositif permet de manipuler et réinvestir une multitude de notions abordées tout au long de l’année en dehors des programmations habituelles « figées ».

« Entre contrainte et liberté, entre des règles d’utilisation précises et contractualisées et la liberté d’explorer à son rythme selon ses besoins avec l’ensemble de son corps,… l’enfant trouve un espace sécurisant pour se construire grâce à sa tête, ses mains et ses sens. »

Référence bibliographique

Des ateliers Montessori à l'école, une expérience en maternelle, B. MISSANT, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques.

Des idées concrètes de mise en place en classe, pour chaque cycle :


Cycle 1

Cycle 2

Cycle 3